Théo.

Théo

La première fois que Théo s’était maquillé, il s’était senti gêné, coupable, hors norme. Maintenant, chaque fois qu’il se sentait mal, il se maquillait. Il ne se sentait plus coupable, il se sentait fille. C’était de cela dont Théo avait besoin : ressembler à une fille.

Quand il était seul chez lui, Théo allait discrètement dans la chambre de ses parents et mettait du crayon sous ses yeux, du rouge à lèvre et commençait à imiter les mouvements d’une fille. Il pouvait se contempler des heures, même s’il ne se trouvait pas très belle, cela le calmait.

Le matin, quand il devait enfiler ses jeans de garçon, il se sentait dur et insensible. Il aurait tant voulu ressembler à Sumita ou à Lara, ses voisines. Il aurait été encore mieux maquillée et mieux soignée qu’elles car il était vraiment fait pour être une fille.

Il se soulageait à penser qu’il n’aurait pas voulu sortir avec un garçon s’il avait été une fille, mais ça ne consolait qu’à moitié.

Cet après-midi-là, Théo avait décidé d’aller au cinéma, tout seul.

Seul, sur son siège de cinéma, il enleva ses chaussures et croisa ses jambes en buvant des petites gorgées de thé froid tel que le font les filles. Le film était frais, il se sentit bien, très bien.

Lorsqu’il sortit du cinéma, Lara l’appela. Elle s’ennuyait. Ils se donnèrent rendez-vous au café de l’angle. C’était toujours comme ça lorsque Lara s’ennuyait. Elle appelait Théo et ils allaient boire un verre ensemble. Théo avait un côté rassurant. Il se conduisait comme un mec normal mais il parlait des problèmes avec la facilité d’une fille. Lara adorait Théo. Elle s’était souvent demandé si ce n’était pas de l’amour qu’elle éprouvait pour lui, mais elle trouva finalement plus simple, de le considérer comme son meilleur ami.

Comme Lara n’était pas encore arrivée, Théo choisit une table au fond du café. Il cherchait toujours la table la plus discrète car il préférait se trouver caché. Il s’asseyait également toujours à côté du mur, jamais en face, car il avait besoin de se trouver enfermé.

Lara arriva, elle mit du temps à trouver Théo, mais elle le trouva. Ils se firent la bise et elle posa son sac à main, par terre. Elle ne voulait jamais poser son sac sur sa chaise : elle avait peur que le sac tombe et casse son miroir de poche (qui lui était vital).

Ils discutèrent, enfin, on aurait dit qu’ils discutaient : chaque chose dont ils parlaient avait déjà été répétée au moins une fois, lors d’une dernière rencontre dans un café. Ca ne pausait pas de problème, ni Théo, ni Sumita, ne montrait le moindre signe de lassitude lorsqu’il évoquait pour la énième fois un sujet dont l’intérêt était tout fait nul. C’était pour rien qu’ils se voyaient, non ?

Isa.